Les « outils » et fondements théoriques sont les même dans la médecine chinoise ou vietnamienne, mais les méthodes sont différentes et par conséquent, les résultats peuvent être différents. C’est comme dans l’art de la cuisine où des mêmes ingrédients peuvent manifester différentes saveurs, textures, etc… A travers différentes façon de cuisiner.
– Dr Truong Thin –
Đông Y , tel est le nom que nous donnons à la médecine traditionnelle au Vietnam. L’approche de l’Arbre de Vie « Cay Nhanh Sinh » fournit une vision d’interdépendance entre les différentes composantes physiologiques et énergétiques de l’être, qui constituent la vitalité de l’être humain.
Dans le Ling Shu au chapitre 46 « Les cinq changements », il est dit ceci :
Dans les arbres, les parties abîmées sont toujours les branches ; si les branches sont fermes et solides, elles ne sont pas abîmées. Quand l’homme est souvent malade, c’est qu’également ses os, ses articulations et les linéaments de sa peau ne sont pas solides et que le pervers s’y installe ; c’est pourquoi l’homme tombe souvent malade.
Les bases de cette vision sont que l’être humain est constitué de 5 racines, d’un tronc, de 12 branches et de 5 feuilles avec une facette Yin et Yang. Les 5 racines de l’être décrites par le Dr Truong Thin sont le Jing, Qi, Shen, Jin Ye (les liquides organiques) et le sang. D’ailleurs, une des questions que l’on pose dans le diagnostic en médecine vietnamienne est : « Quel est l’état des 5 racines ? ».
Dans le Ling Shu au chapitre 8 « L’esprit comme fondement », il est dit ceci :
C’est pourquoi l’essence qui est thésaurisée par les cinq organes ne doit pas être blessée ; si elle l’est, elle se perd et le yin se vide ; si le yin est vide, il n’y a pas de souffle et sans souffle on meurt. C’est pourquoi, lorsqu’on pratique l’acupuncture, il faut observer l’état du malade, afin de discerner la présence ou l’absence, ainsi que le gain ou la perte de l’essence, de l’esprit et des âmes spirituelles et sensitives…
On peut voir que dans les 5 racines se trouvent également le triptyque Shen, Qi, Jing – appelé « San Qing » (les trois forces), ils représentent chacun un aspect des trois Dan Tian (champ d’énergie), qui sont en perpétuelle transformation dans la vision de l’alchimie taoïste (Nei Dan).
Dr Truong Thin nous parle ensuite du tronc de l’arbre, qui constitue l’inter-relation entre le vaisseau conception (Ren Mai) et le vaisseau gouverneur (Du Mai), c’est l’alliance de la mer du Yin et du Yang, qui forme un faisceau qui communique de façon perpétuelle. L’un est relié à l’utérus (ou organes génitaux), le Ren Mai – l’autre est relié au cerveau (nao), le Du Mai. L’alchimie taoïste parle d’ailleurs de Xiao Zhou Tian (l’Orbite Microscopique), qui forme une roue énergique qui véhicule le mouvement perpétuel du Shen (esprit), Qi (souffle), Jing (essence) à travers le corps. Le vaisseau conception et le vaisseau gouverneur font partie des 8 merveilleux vaisseaux, et représentent notre constitution profonde (influencé par le Qi prénatal et les premières années de la vie).
En continuant cette ascension, nous arrivons aux branches de l’arbre de vie, qui sont les 12 branches terrestres (Di Zhi), ce sont entre autre les 12 méridiens (canaux) principaux. C’est-à-dire le canal du poumon, gros intestin, estomac, rate, cœur, intestin grêle, vessie, rein, maître-cœur, triple réchauffeur, vésicule biliaire & foie. Dans l’approche de la médecine vietnamienne, la recherche de déséquilibre de ces viscères ou canaux, se fait par le biais de l’anamnèse et de la palpation des points Mu (alarme) ainsi que de la palpation des canaux (recherche de nœuds, de tension, de faiblesse, de froid ou de chaleur).
Le Pi Wei Lun au chapitre 11 (livre 2), dit ceci :
Si la guérison du Qi originel est insuffisante après un traitement, le remède se trouvera dans l’utilisation des points Mu alarme des entrailles sur l’abdomen. (Zhong Wan RM12, Tian Shu E25, Guan Yuan RM4, Ri Yue VB24, Zhong Ji RM3, et Shi Men RM5 dans cet ordre]
Il est dit que l’accumulation du trouble dans les 5 organes est engendré par le blocage du Qi originel des six entrailles. Il est également dit que la dysharmonie des 5 organes avec obstruction des 9 orifices est toujours attribuée à l’insuffisance du Yangqi et au surplus du Yinqi. Par conséquent on en conclue que Yang n’arrive pas à restreindre Yin.
Dans tous les cas, l’insuffisance du Qi originel doit être traité par la puncture des points Mu alarme abdominaux.
En effet, les entrailles (Fu) sont considérés dans la médecine chinoise classique comme étant à « l’image du Ciel ». Ils transportent mais ne stockent pas. Ce sont des « voies de passages » qui doivent-être libre. Leur harmonie influence les mouvements du Qi et la paix du Shen.
Le diagnostic des 12 branches est en interdépendance avec celui des 5 feuilles, qui représentent un aspect fondamental de la vision de la médecine vietnamienne. Les 5 feuilles de l’arbre de vie du Dr Truong Thin sont en fait la représentation des 5 fonctions vitales du corps humain. Chacune étant en relation avec un des cinq mouvements (wu xing) qui sont le Bois, Feu, Terre, Métal, Eau.
Ainsi l’approche de la médecine vietnamienne attribue le Bois à la fonction du « Mouvement », le Feu à la « production de chaleur », la Terre à la « Sécrétion », le Métal à ‘l’Absorption » & l’Eau à « l’Accumulation. On dit souvent en médecine vietnamienne : « Quel est l’état des 5 feuilles ? », ce qui veut dire quelle est la ou les fonctions qui sont atteintes, et sont-elles en excès ou en insuffisance ? L’affection est-elle aigu ou chronique ? Cette distinction, c’est ce que l’on appelle l’aspect Yin ou Yang de la feuille.
En ce qui concerne le traitement, la médecine vietnamienne est très ouverte, il y a cependant une méthode de traitement spécifique propre à cette approche de l’arbre de vie que je n’aborderais pas ici, et qui utilise les cinq points shu, décrit dans le Ling Shu (d’ailleurs je recommande le chapitre 44 du Ling Shu – « Accorder le souffle aux quatre périodes du nycthémère » qui aborde l’utilisation des cinq points shu). Dr Truong Thin propose également des méthodes de tonification et de dispersion en fonction de la nature centrifuge ou centripète d’un méridien.
Pour conclure cette article, j’aimerais juste citer une phrase qui est présente dans le livre « le discours de la Tortue » de Cyril Javary, et qui dit ceci concernant la pratique de l’acupuncture :
Peng Yun Qi (« Saisir le souffle bénéfique qui passe »…)
écrit par PHONG NGUYEN, praticien et enseignant en médecine chinoise.
Bibliographie :
Ling Shu (traduction Constantin Milsky & Gilles Andrès)
Pi Wei Lun (traduction Bob Flaws)
Workbook clinical acupuncture (Truong Thin)