L’histoire fascinante de la médecine chinoise : entre traditions ancestrales et innovations modernes
L’histoire de la médecine chinoise est une odyssée fascinante qui témoigne de son évolution à travers les âges. Cette médecine, emprunte de philosophie et de spiritualité, s’est façonnée à travers le temps par la sagacité de médecins illustres, tel que Zhang Zhongjing (considéré comme « l’Hippocrate de la médecine chinoise, qui a vécu entre 150 – 219 ap. J.-C.), Sun Si Miao (un médecin taoïste de la dynastie Tang, 581 – 682 ap. J.-C.) ou Li Dongyuan (l’un des quatre grands maître de la dynastie Jin et Yuan, 1180-1251 ap. JC), ont su s’adapter aux besoins de chaque époque tout en gardant comme guide les connaissances transmises par les générations passées. Revenons ensemble à la racine de cette médecine en explorant les principes qui l’anime, ainsi que certains de ces ouvrages majeurs…
Comment parler de médecine chinoise sans évoquer un de ces textes fondateurs qui est le Huangdi Neijing (Classique interne de l’Empereur jaune), et qui est composé de deux œuvres majeures que sont le Suwen (Questions Essentielles) et le Lingshu (Pivot Céleste).
Ces écrits qui remonteraient au règne de l’Empereur Jaune (entre -2697 et -2597 avant J.C.), relate majoritairement un dialogue entre Huángdì (l’empereur jaune) et son médecin Qí bó. Nous retrouvons au cœur de ce texte un fondement majeur de la philosophie médicale chinoise : « l’anticipation ». D’ailleurs, une des phrases qui est citées dès le second chapitre du Suwen est celle-ci : « Avoir recours au traitement quand la maladie a déjà émergé et avoir recours à la régulation quand un désordre a déjà été causée, c’est comme creusé un puits quand on a soif et fabriquer des armes quand une guerre a déjà éclaté. C’est probablement trop tard. » Cette affirmation au caractère ferme, peut nous renvoyer à une citation plus occidentale et militaire qu’avait dit Végèce (Si vis pacem para bellum) : « Si tu veux la paix, prépare la guerre. »
On en revient au même point, anticiper, pour prévenir la difficulté. Cependant dans le Huangdi Neijing, la pensée d’anticipation est accompagnée d’une conscience et d’une connaissance des cycles qui animent la vie de l’être humain. A savoir le cycle des saisons et des cycles de croissance, d’apogée et de déclin de la vitalité chez l’homme et la femme. Nous retrouvons ainsi dans le premier chapitre du Suwen la description des cycles de 7 ans pour la femme et des cycles de 8 ans pour l’homme ; puis nous retrouverons plus tard dans le second chapitre du Suwen les recommandations pour vivre en accord avec les fluctuations des cycles saisonniers. Le Suwen et le Lingshu abordent également l’acupuncture-moxibustion, la diététique, la préservation de la vitalité (yangsheng), les sciences naturelles et l’astronomie. Bien que l’on remonte ces textes à des origines très anciennes, il semblerait que le Neijing aurait été réellement composé sous sa forme finale lors de la dynastie des Han Occidentaux (206 av. J.-C. – 25 apr. J.-C.).
Parmi les textes fondateurs de la médecine chinoise, on peut également citer le Shennong Bencaojing (Classique de la matière médicale du divin laboureur) qui est une materia medica majeur qui comprend la description de 365 substances médicinales. Bien que ce texte soit attribué à Shennong (l’un des Trois Augustes, dont font également partie Fuxi et l’empereur Huangdi), considéré comme l’un des pères fondateurs de la civilisation chinoise, il semblerait que ce texte ait été compilé durant la période des Han (206 av. JC – 220 ap. JC.), voir même avant, durant la période des Royaumes Combattants (5ème siècle au 3ème siècle av. JC).
Comme je le disais dans l’introduction, la médecine chinoise s’est façonnée au travers le temps, par la transmission, par l’empirisme et les contextes historiques de chaque époque (par exemple, durant les périodes d’épidémies, l’observation de la langue pour le diagnostic est privilégié à la prise du pouls, afin d’éviter les contacts entre personne). De nombreux personnages savants ont apportés leur pierre à l’édifice, mais il serait trop long de les mentionner tous. Cependant, je vous propose de continuer notre exploration en faisant références à quelques ouvrages et personnages qui font encore résonner leur voix dans le cœur de nos contemporains de la médecine chinoise.
Vous a-t-on déjà pris le pouls lors d’une séance de médecine chinoise ? Vous êtes-vous déjà demandé comment agit l’acupuncture sur le corps ? Ou pourquoi votre praticien(ne) vous prescrit-il (elle) des plantes et comment agissent-elles ?
Autant de questions, où l’histoire de la médecine pourra apporter des éclairages, et vous serait surpris à quel point cela ne date pas d’hier.
Au 3ème siècle de notre ère (durant la dynastie des Jin Occidentaux et Orientaux, 265-420 ap. JC.), émerge un ouvrage majeur sur les pouls qui s’appelle le Maijing (classique sur les pouls), et que l’on attribue à Wang Shuhe. Bien que les théories sur la prise du pouls aient été développé bien avant, notamment dans le Huangdi Neijing (attribué à l’empereur Jaune) et le Shang Han Lun (de Zhang Zhongjing, l’Hippocrate de la médecine chinoise); cet ouvrage, composé de 10 rouleaux, va se consacrer entièrement au développement des théories sur la prise du pouls radial que les contemporains de la médecine chinoise continue de pratiquer aujourd’hui.
A la même époque (3ème siècle), durant la période des Jin Orientaux, Huang Fu Mi (qui est à la fois médecin, historien et philosophe) va compiler le Zhenjiu Jiayijing, le Classique ordonné de l’acupuncture et moxibustion, que l’on pourrait nommer de façon plus moderne : l’ABC de l’acupuncture-moxibustion. C’est un ouvrage qui va structurer les théories de l’acupuncture-moxibustion en reprenant des textes anciens, et en apportant de nombreuses méthodes de traitement qui y sont présentés de façon très ordonnées et concises.
En avançant encore dans le temps, et en se projetant des siècles plus tard, on peut aussi citer l’œuvre majeure de Yang Jizhou (1522-1620) : le Zhenjiu Dacheng qui est le Grand Compendium de l’acupuncture-moxibustion, et qui fut publié en 1601. « Da Cheng », pour un chinois, renvoie à l’achèvement ultime d’un grand travail, la compréhension parfaite de toutes les branches pertinentes d’une science et une collection complète. En 1657, seulement 56 ans après sa première publication, sa seconde édition a été imprimée.
Il faut noter que le procédé d’impression à l’époque utilisaient la xylographie ainsi que les caractères mobiles. Ensuite 23 ans plus tard, une troisième édition a été publiée. Puis de nouveau en 1736, une quatrième édition est sortie.
Durant la dynastie des Qing (1644-1911), 28 éditions du Zhenjiu Dacheng ont été publiée. Durant cette période, l’impression était extrêmement chère et nécessitait beaucoup de main-d’œuvre. Entre 1911 et 1949, quatorze éditions se rajoutent à la liste existante. On pourrait dire que cet œuvre est un best-seller qui a traversé les siècles et qu’il continue à apporter ses lumières aux praticiens modernes.
Enfin, dans un temps parallèle à Yang Jizhou, a vécu Li Shizhen (1518-1593, durant la période Ming), un médecin très célèbre a qui l’on attribue le Bencao Gangmu (la matière médicale classifié), qui comprend la description structurée de plus de 1800 substances médicinales ! Ce même médecin a également contribué à corriger de nombreuses erreurs dans les textes de matières médicales anciennes.
Aujourd’hui, la médecine chinoise continue son expansion entre tradition et innovation, et ce qui fait sa particularité, c’est de se développer aux travers des éclairages et connaissance des temps anciens, tout en bénéficiant du regard de la science moderne (notamment à travers les recherches scientifiques innombrables) qui vient « confirmer » et mettre en lumière la pertinence d’un héritage médicale millénaire qui n’a pas fini de nous émerveiller…
Phong Nguyen,
Praticien, formateur et auteur en médecine chinoise.
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