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Interview du Dr Peter Eckman, MD, PhD (San Francisco, Californie)

C’est un honneur pour moi de vous partager cet échange privilégié avec le Dr Peter Eckman, qui est un acupuncteur, médecin, chercheur et enseignant international dans des domaines spécifiques tels que la médecine classique asiatique et le diagnostic par le pouls.

Peter a développé son propre style d’acupuncture qu’il a appelé CCA (Constitutional/Conditional Acupuncture), dont un des axes de recherche et d’enseignement concerne le diagnostic par le pouls.

Cet interview est très dense et riche d’enseignement, c’est pour cette raison que je vous la diffuse en deux parties, afin de rendre la lecture plus agréable, et aussi pour créer un peu de suspens ! A l’issue du deuxième article je vous partagerai également une petite bibliographie du Dr Peter Eckman.

Bonne lecture !

1/ En quoi votre histoire a été déterminante dans le choix de votre profession ?

P. Eckman : J’ai suivi 7 ans d’études supérieures pour obtenir un doctorat en neurophysiologie à l’université de New York, où j’ai été diplômé en 1972. Après cela j’ai déménagé en Californie, où j’ai effectué un an d’internat à l’hôpital des enfants de San Francisco, qui m’a permis d’obtenir une licence pour pratiquer la médecine.

Cependant je n’étais pas enchanté par la formation médicale que j’ai reçu dans le modèle institutionnel de la médecine occidentale. Il y avait quelque chose qui manquait dans ma formation, mais il est difficile de résumer cela en quelques mots.

Le problème était que la hiérarchie dominait le processus de formation, et ceux d’en haut traitent souvent ce qui sont en-dessous avec des comportements cavaliers et souvent cruels. C’était devenu un rituel, comme le « bizutage » de fraternité, qui m’a laissé un goût amer.

La devise était : « j’ai souffert, et maintenant c’est à ton tour d’en faire autant ».

Je trouve cette attitude oppressante et non propice au traitement des patients en tant qu’être humain égaux, avec le droit de faire des choix sur le type de soin dont ils ont besoin. Bien que je ne réalisais pas cela à l’époque.

Je manquais la partie la plus importante pour être un bon médecin, qui est d’apprendre à connaître les patients de façon holistique, incluant leur santé mentale, émotionnelle et spirituelle, ainsi que leur santé physique.

Me retrouvant avec ces sentiments, j’ai décidé de ne postuler à aucun clinicat pour ma formation continue, mais au lieu de cela j’ai pris un temps de repos bien nécessaire afin de réfléchir à mes options. Puis, par une coïncidence apparente, on m’a montré une petite annonce dans notre journal local qui recherchait des médecins agréés pour travailler dans une clinique d’acupuncture fondée par un médecin à la retraite. Le programme comprenait deux semaines de formations par des praticiens coréens, suivi d’une pratique clinique sous leur direction, car ils n’étaient pas légalement autorisés à pratiquer eux-mêmes.

Je ne savais pas grand chose à propos de l’acupuncture à l’époque. Mais j’ai aimé l’idée d’étudier quelque chose de totalement différent que ce ma formation précédente m’avait offerte. J’ai trouvé les cours initiaux très intéressants et j’ai découvert qu’il y avait une compréhension presque « poétique » de la santé et de la maladie dans l’acupuncture et la médecine Orientale qui était attrayante, parce qu’elle abordait les problèmes que j’avais trouvé manquants dans la médecine occidentale. Cependant, je ne pensais pas que l’application d’aiguilles sur les gens pouvait être thérapeutique, d’autant plus que les soins aux patients ont été fournit de seconde main, en utilisant ma compréhension limitée de ce que mes professeurs coréens recommandaient dans chaque cas.

En gardant à l’esprit que je n’ai eu que deux semaines de formation en classe., ce fut une stupéfiante surprise de découvrir que de nombreux patients souffrant d’affections mal traitées par la médecine occidentale, ont montrés une nette amélioration après mes traitements d’acupuncture, comprenant des cas de migraine, d’arthrite, de troubles digestifs, gynécologique, et d’autres problèmes fonctionnels.

Cette découverte m’a fascinée, et j’ai immédiatement commencé à lire tous les livres disponibles (très peu) sur l’acupuncture qui étaient disponibles au début des années 70.

J’ai vite réalisé que j’étais « accro » à une nouvelle façon de voir la « réalité » et de pratiquer la médecine d’une façon plus épanouissante.

2/ Avez-vous une anecdote précise, un moment clé qui a déclenché votre passion ?

P. Eckman : Il y a de nombreux moments qui ont déclenchés et renforcés ma passion pour l’acupuncture.

J’ai assisté à une conférence publique du regretté J.R. Worsley, dans laquelle certaines pièces manquantes de mes professeurs coréens se sont mises en place, et j’ai décidé de m’inscrire à l’école de Worsley à travers trois niveaux de programmes certifiants en Angleterre (Lic. Ac., B. Ac., and M. Ac.). Dans le même temps, j’ai développé un programme de préceptorat avec un praticien coréen très talentueux qui a travaillé dans ma clinique, Chae Woo Lew, qui a duré plus de dix ans.

Nous avons traité ensemble les patients, et j’ai vu des résultats incroyables tout en apprenant comment appliquer ma formation théorique dans la pratique clinique.

L’expérience peut-être la plus cruciale de ma carrière a été mon introduction par Lew en Corée, qui m’a permis de rencontrer et d’étudier avec les acupuncteurs les plus renommés en Corée.

Il s’agit notamment de Yoo Tae Woo, le fondateur de la « Korean Hand Acupuncture » (dont j’ai édité le manuel dans sa traduction anglaise), Kuon Dowon, fondadeur de de la « Korean Constitutional Acupuncture », qui m’a permis, ainsi qu’à mon collègue Stuart Kutchins, d’observer sa pratique à Séoul. Une opportunité que je ne crois pas avoir été disponible à d’autres praticiens caucasiens.

Les méthodes de Kuon sont tout simplement révolutionnaires, et il est célèbre pour son succès dans le traitement du cancer.

Kuon et Worsley insistaient tous les deux sur l’identification de la constitution de chaque personne avant d’adopter un plan de traitement pour leur affection actuelle. Bien qu’ils déterminaient la constitution de façon différentes, je crois que leur approche à cet égard, était l’idée la plus fondamentale que j’ai tiré de leurs enseignements, et cela m’a permis de développer mon propre style d’acupuncture basé sur la constitution/condition de chaque individu (Constitutional Conditional Acupuncture), qui est en évolution perpétuelle.

Je suis constamment étonné de la façon dont les patients réagissent favorablement au traitement CCA, puisque je l’ai adopté comme domaine de recherche personnalisé.

Kuon Dowon

3/ Quel est votre quête (le sens profond de ce que vous faites) ?

P. Eckman : Ce qui différencie le style CCA des autres approches d’acupuncture est son intégration de très nombreux styles de diagnostiques Asiatiques par le pouls, dans une compréhension rationnelle et cohérente de la façon dont le pouls révèle des informations à la fois sur la constitution et la condition de chaque individu. La constitution est l’aspect immuable de chacun d’entre nous, tandis que la condition est la façon dont nous fonctionnons sur le moment.

Ma conviction est que l’intention originelle de la médecine classique asiatique, était d’aider à rétablir une personne de leur état constitutionnel acquis, afin de les ramener à leur état originel naturel prévu constitutionnellement à leur conception.

De cette orientation, je trouve toujours de nouvelles révélations sur ce que le pouls peut nous dire sur toutes les questions d’importances diagnostiques.

Ce chemin est infini selon moi, et je ne suis jamais en danger de devenir complaisant ou de m’ennuyer dans ma pratique. Beaucoup de mes patients disent des choses comme : « J’ai le sentiment de revenir à moi-même pour la première fois depuis des lustres ».

Cette déclaration, reflétant le retour à la nature originelle, ne concerne pas uniquement la santé physique, mais aussi le bien-être mental, émotionnel et spirituel.

4/ Avez-vous un mentor, des personnes que vous suivez, des gens qui vous inspirent ? Qui et pourquoi ?

P. Eckman : Comme je l’ai mentionné avant, j’ai eu plusieurs mentors, et je suis toujours à la recherche de nouveaux enseignants pour apprendre. Il y en a pleins d’autres que je n’ai pas nommés ici, mais qui sont mentionnés dans mes livres (cf : bibliographie de Peter Eckman, en fin d’interview).

Mes principaux professeurs sont maintenant soit décédés ou à la retraite. Je suis actuellement en position de former mes propres étudiants dans mon style d’acupuncture CCA.

J’ai donné des cours aux USA, en Angleterre, en Espagne et en Chine. Au cours des trois dernières années, j’ai été invité à diriger des ateliers cliniques en Chine, d’une durée maximale de cinq jours chacun.

La partie merveilleuse de ces sessions, est que les patients traités reviennent les jours suivant pour partager leurs expériences. Cela m’étonne toujours que 100% des patients rapportent des améliorations significatives. Je devais donner un 4ème séminaire en Chine, à Shanghai en 2019, jusqu’à ce que l’épidémie du Covid ait interrompue les plans de chacun, mais j’espère reprendre l’enseignement dès que cela sera raisonnable. Mes étudiants avancés ont trouvé le style CCA très efficace, et certains ont même appris à appliquer ma méthodologie sur le cancer, mais c’est un niveau avancé qui n’est pas facilement transmissible aux débutants.

5/ Est-ce important pour vous de vous renouveler, de continuer à apprendre, de vous former ? Pourquoi ?

P. Eckman : Etant donné que le style CCA est fortement basé sur le pouls, il est crucial de se focaliser continuellement sur le pouls des personnes. Malheureusement, ce n’est pas possible durant la pandémie.

L’un des avantages d’être en quarantaine, est que j’ai plus de temps pour travailler sur un nouveau livre qui est déjà en cours depuis plusieurs années.

Il y a bien-sûr de nombreuses questions sans réponses dans l’approche CCA, pas seulement dans l’élargissement des connaissances du diagnostic, mais aussi en poursuivant le perfectionnement des méthodes de traitement les plus efficaces.

Avoir du temps pour la comtemplation est bien-sûr bénéfique, mais ne peut pas remplacer le besoin d’une pratique clinique continue. Pour moi « la preuve du pudding est dans l’alimentation », ainsi ma formation continue est actuellement entravé par la pandémie.

6/ Quel est votre phrase, votre mantra, votre citation fétiche ?

« Peu importe la vitesse à laquelle vous avancez, tant que vous ne vous arrêtez pas »,

« L’homme supérieur fait de la difficulté à surmonter son premier intérêt, la réussite ne vient que plus tard »

– Confucius.

P. Eckman : Bien que j’ai aimé et été fasciné par l’acupuncture dès le premier jour, je n’avais pas l’impression d’être très bon pour appliquer les outils que m’ont transmis mes professeurs depuis plus d’une décennie, en particulier le diagnostic par le pouls !

Oui, de nombreux patients se sont améliorés, mais je n’ai jamais eu confiance en mes compétences cliniques. Mais parce que je croyais au pouvoir de l’acupuncture pour traiter presque n’importe quoi, j’ai continué à étudier et pratiquer (particulièrement le pouls). Et après quelques moments « Ha, ha ! » pendant plusieurs décennies, j’ai commencé à comprendre et à approcher les patients avec un dégré de confiance raisonnable.

La suite prochainement !

Dans la prochaine interview, Peter nous répondra aux questions suivantes :

  • Quel est votre manière de lâcher-prise, de décrocher ?
  • Si vous deviez définir votre métier, vous diriez quoi ?
  • Qu’est-ce qui vous touche ou vous séduit chez vos confrères ?
  • Quel est votre regard sur votre domaine professionnel ?
  • Est-ce que la transmission de ce que vous savez (votre métier) est important pour vous ? Si oui, comment transmettez-vous ?
  • Si vous formiez quelqu’un, quels sont les 2-3 conseils les plus pertinents que vous lui donneriez ?
  • Que pensez-vous de donner un séminaire en France dans le futur ? Et quel pourrait-être le thème ?

© Crédit photo : diffusé avec l’autorisation de Peter Eckman

www.petereckmanacupuncture.com

Phong, praticien et enseignant en médecine asiatique.

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