Venez découvrir le sens originel de Yin Yang à travers l’observation des idéogrammes….
陰陽 YIN / YANG dans la pensée chinoise…
« Yin, c’est ce qui va devenir Yang ; Yang, c’est ce qui va devenir Yin »
Wang Bi (philosophe du IIIème siècle)
Nombreux sont ceux qui se sont fondés une idée sur Yin/Yang, tantôt on lui attribue la notion de dualité, tantôt on y évoque le féminin et le masculin…Bref autant de comparaison réductrice qui nous écarte du sens originel et de la quintessence de ce symbole devenu universel.
Je vais vous proposer aujourd’hui de contempler Yin/Yang au travers des images que véhiculent leurs idéogrammes respectifs afin de percevoir autrement le concept de polarité interdépendante.
Commençons par ce qui est en commun dans Yin/Yang, nous pouvons en effet voir sur leur partie gauche, un signe commun ressemblant à un P, qui nous image la colline, et qui représente à l’origine les tertres rituels dédiés aux esprits chamaniques et aux dieux du sol (Tǔ Dì Gōng 土地公). Cette « racine » qui relie Yin/Yang, nous démontre la complémentarité et l’interrelation de ces deux entités, qui renvoie à deux versants d’une même montagne, en d’autre terme à deux aspects d’une même réalité que seule la partie médiane peut distinguer.
Observons maintenant le caractère Yang dans lequel nous pouvons distinguer sur la partie droite l’idéogramme du changement (Yi 易) qui combine le signe du soleil et de pluie, exprimant un couplage fécond qui nous démontre le changement continuel du soleil et de pluie qui permet de faire croître ce qui est sous le Ciel. Seulement dans le caractère Yang, soleil et pluie sont séparé par un trait horizontal qui marque la différenciation entre eux, tandis que le caractère changement (易) image la succession perpétuelle du temps qui change. En fait, l’idée qui rayonne de cette partie droite du caractère Yang, est que le soleil vient balayer progressivement la pluie et que la chaleur et la clarté du ciel se dégage, tel un orage se dissipant et invitant à sortir de « chez soi ». Cela renvoie à la floraison printanière qui exprime la propension à agir et à s’extérioriser.
En écho à tous cela, nous pouvons voir sur la partie droite du caractère yin deux signes superposés qui représente la formation d’un orage. En haut à droite se trouve le signe de l’accumulation et de la potentialité, tandis qu’en bas se trouve le caractère « nuage » (Yun 云). L’association de ces deux signes évoque l’accumulation de nuages porteurs de pluie, indiquant qu’il va faire de plus en plus sombre et froid. Ainsi à la différence de l’image de Yang qui invite à sortir, l’image de Yin constitue une invitation à rentrer, à « se recueillir à l’intérieur » afin de se protéger de l’orage qui se forme. Yin renvoie donc à la période automnale qui invite à rentrer et à restaurer ses forces.
Ainsi avec ces images qui renvoie à une pensée issue de peuplade sédentaire et qui cultivait la Terre (paysan), Yin/Yang posent des indications dynamiques qui permettent d’ajuster « l’Agir » avec la saison et le temps qu’il fait. En effet il est important de prendre en compte le fait que ceux qui ont exprimé leurs « idées » aux travers des idéogrammes, étaient des individus connectés à la nature environnante, et que leur vie étaient rythmée par les saisons.
Face à ses observations, je me dis qu’on ne peut réduire Yin/Yang à une dialectique qui va classifier les choses et les phénomènes, car cela va différencier. Or je pense que Yin/Yang nous renvoie plus à la notion de « BATTEMENT », « TRANSFORMATION », « ALTERNANCE »…A l’image des battements du cœur, des ailes d’un oiseau ou même le battement qui rythme la musique…Ils sont à l’image du changement de temps permanent qui traduit la réalité universelle de l’impermanence…
Bien sûr je ne réfute pas le système de classification qu’on peut induire avec Yin/Yang, voici un passage du chapitre 41 du Ling Shu qui vient illustrer cela :
« …Au-dessus de la taille (yao), c’est le Ciel, en dessous, c’est la Terre. C’est pourquoi le Ciel est yang, la Terre est yin.
Les douze méridiens (jingmai) de pied correspondent aux douze mois ;
La lune provient de l’eau. C’est pourquoi ce qui est en bas est yin. Les dix doigts de la main correspondent au dix jours ; le soleil provient du feu. C’est pourquoi ce qui est en haut est yang. »
Ainsi Yin/Yang, ne peuvent se résumer à des états distincts mais plutôt à des mouvements, des manières d’agir. L’un comme l’autre n’ont de sens que dans la dynamique qui les unies.
On pourrait dire que l’action Yang consiste à saisir les moments d’ « Ouverture » (Ji 吉), propices à l’ « Agir » ; tandis que les moments Yin, pouvant être considéré comme des moments de « Fermeture » (Xiong 凶), renvoie à des moments non favorable à l’action…
Pour conclure ce petit travail, je vous partage un extrait d’un article de Bruce Lee sur la pratique des arts martiaux qui résume très bien ce qui a été dit :
« Tant qu’on s’obstine à séparer Yin Yang en deux, on ne peut en espérer sa réalisation. Si quelqu’un veut se rendre quelque part à bicyclette, il ne peut appuyer sur les deux pédales à la fois sans rester parfaitement immobile. Pour progresser, il doit en même temps appuyer sur une pédale puis relâcher l’autre. Le mouvement complet c’est appuyer/relâcher. Appuyer est le résultat de relâcher et chacun à son tour est la cause de l’autre. Quand un pratiquant de Gong Fu a compris l’unité de Yin Yang, il ne s’agite plus inutilement, que ce soit avec douceur (Yin) ou avec fermeté (Yang). Il se contente de faire ce qu’il faut au moment adéquat »